mercredi 14 janvier 2009

PIRLS 2006, le mensonge du déclin de la France.


dimanche 4 janvier 2009

C’est une constante dans le discours de Mr Darcos : les performances de l’école sont faibles, elles sont en baisse, de façon alarmante, les enquêtes internationales le prouvent, il est donc urgent de réformer :

  • en décembre 2007, il déclare que « les deux enquêtes internationales PISA et PIRLS, ont livré un constat alarmant sur l’état de notre système scolaire.", que "l’enquête PIRLS, qui mesure les performances en lecture des élèves âgés de 9 à 10 ans, montre que la France réussit plutôt moins bien, dans ce domaine, que les autres pays de l’Union européenne. A l’exception de la Slovénie, de la Pologne, de l’Espagne, de la Belgique francophone et de la Roumanie, tous les autres pays européens font mieux que nous ».
  • Dans un 7-10 de France-Inter à la mi-avril 2008, il a ainsi affirmé sans être contredit, que nous nous trouvions dans le « tout bas du classement »
  • Dans le magazine télévisé Ripostes du 20 avril 2008 sur France 5, il a évoqué sans être vraiment contredit, là non plus, « la chute continuelle depuis 2002 du niveau de performances en compréhension écrite et orale des élèves français ».
  • Lors de la présentation du projet de programme, le 29 avril 2008, il a répété que son projet s’imposait face au « recul de notre système éducatif dans les classements internationaux, notamment dans l’enquête PIRLS qui évalue les compétences en lecture des élèves âgés de 10 ans », ajoutant que « la France ne se situe, parmi les pays de l’Union européenne, qu’en fin de classement, devant la Slovénie, la Pologne, l’Espagne, la Belgique francophone et la Roumanie. »
  • Au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI : « en 2006 encore nous avons perdu des places. » « Aujourd’hui, sur 40 pays, nous sommes dans les six derniers. Même la Bulgarie est devant nous. »

On hésite à remettre en cause ces affirmations tant elles font partie du paysage médiatique. A cela applaudissent les mouvements anti-pédagogistes : sauvez-les-lettres, SLCC, lire-ecrire, qui bénéficient d’un temps d’expression important sur les médias. Mais qu’en est-il vraiment ?

Intéressons-nous aux résultats de l’enquête PIRLS concernant les compétences de lecteurs des enfants de 9 ans. Ceux-ci sont en libre accès sur le web, et les conclusions tirées par les auteurs mêmes de ces études sont bien plus nuancées...

1- Pas de baisse significative de la France entre 2001 et 2006

On observe sur la partie droite du document la représentation des différences entre 2001 et 2006, en rouge si elles sont considérées comme représentatives, en blanc si elles ne le sont pas.

Selon les auteurs de l’étude, il n’y aucune évolution significative entre 2001 et 2006 pour 14 des 28 pays ayant participé aux deux enquêtes, dont la France.

1 PIRLS de 2001 à 2006

pas de changement significatif des performances de la France.

Les traductions en bleu ont été rajoutées par l’auteur

Pourquoi alors parler de chute continuelle, de recul ?

2- Un classement qui n’a pas de sens.

Les résultats des pays testés sont très rapprochés. La différence de score entre la France et le Luxembourg est de moins de 30 points.

A partir du score moyen français de 522, on s’en tient à une marge d’erreur de 25 points sur 500 (5%), on obtient une fourchette allant de de 497 à 547. On trouve dans cette fourchette plus de 25 des 47 pays étudiés ! Dans ces conditions, la France se trouverait entre le 13e et le 35e rang sur 47...

Notons tout de même, à titre d’exemple que le grand vainqueur de ce test est la Russie, dont le système éducatif a pratiquement implosé depuis la chute du communisme, et que la Norvège se trouve en-dessous de la moyenne des pays testés avec seulement 498 points...

3- PIRLS 2006 classement et pays, âge des participants.

Pas de chute significative, un 27e rang qui ne veut rien dire...

Il importe également de se pencher sur la représentativité de l’échantillon des élèves sélectionnés, pour interpréter les conclusions d’une telle étude.

3- Un échantillon plus jeune en France que dans d’autres pays.

On trouve également dans le tableau cité ci-dessus, l’âge moyen des élèves des échantillons sélectionnés selon les pays :

3- PIRLS 2006 classement et pays, âge des participants.

On peut remarquer que certains pays ont pu être avantagés par des échantillons en moyenne plus âgés :
- la Russie (10,8 ans),
- le Luxembourg (11,4 ans),
- la Hongrie (10,7 ans),
- la Suède (10,9 ans),
- la Bulgarie (10,9 ans),
- le Danemark (10,9 ans)

Par contre, l’âge moyen de l’échantillon français est parmi les plus jeunes des pays étudiés : 10,0 ans en moyenne.

On peut également remarquer que les pays moins bien classés ont souvent des échantillons plus jeunes que les pays se trouvant en tête de classement.

4- L’incidence de la langue :

Nous l’avons vu dans l’exemple du texte sur les macareux, il n’est pas facile de trouver un thème qui mettent les élèves de tous les pays sur un pays d’égalité. La forme de l’écrit peut sembler plus ou moins familière selon les cultures scolaires, la traduction peut induire des difficultés propres. (http://4tous.net/ecoledemain/spip.p...)

A ce titre, on observe :

  • que la Belgique francophone obtient des résultats inférieurs à ceux de la Belgique flamande (47 points = 21 rangs de différence),
  • que le Québec francophone obtient des résultats plus faibles que que la moyenne des provinces anglophones du Canada (21 points = 16 rangs de différence).

5- Améliorer ses performances en éliminant plus d’élèves.

Les conditions du test prévoient qu’il est possible d’exclure du test les élèves qui ne pourraient y répondre, pour des questions de maîtrise de la langue, ou de handicap. Cette possibilité se justifie d’autant plus que ces élèves ne sont pas regroupés dans des classes ou des écoles spécifiques.

Il est à noter que ce taux varie beaucoup d’un pays à l’autre : 0,3% pour le Koweit à 22,5% en Israël.

La France a exclu 3,8% des élèves de son échantillon.

On observe que parmi les 26 pays se trouvant placés avant la France, 17 ont exclu plus de 3,8% des élèves de leur échantillon.

Notons particulièrement les taux élevés d’exclusion de pays bien placés :
- la Russie : 7,7 %
- les provinces anglophones du Canada : 7,1% ; 7,6% ; 8,3%
- la Bulgarie : 6,4%
- le Danemark : 6,2%
- les USA : 5,9%...

6- 34% d’élèves ne parlant pas le français à la maison ?

C’est le taux qui résulte des déclarations des élèves français en 2006 :

  • 66% des élèves interrogés affirmaient parler toujours français à la maison.
  • 33% disaient le parler "quelque fois" (sometimes.) Ce taux n’était que de 11% en 2001.
  • 1% ne le parlaient jamais à la maison.

Ces proportions ne semblent pas correspondre à la réalité de la population française ! Elles remettent en question la représentativité de l’échantillon sélectionné !

Dans ces conditions les résultats français seraient bien meilleurs qu’en 2001, selon Mme Sprenger-Charolles, le fait de ne pas parler la langue du test à la maison entraîne une baisse de score de 49 points...

Avec 49 points de plus, la France se trouverait en première position, avant la Russie !

Conclusions :

Une observation un peu poussée des résultats de PIRLS 2006 et leur comparaison avec ceux de PIRLS 2001 permet de conclure :

  • Qu’il n’y a aucune baisse significative de la France dans les performances en lecture mesurées.
  • Que le rang de la France est compris entre la 15e à la 27e place, ce qui la place significativement au-dessus de la moyenne internationale.

Notre pays était cependant défavorisé :

  • Par des tests assez éloignés de sa tradition scolaire.
  • Par un échantillon ayant subi moins d’exclusion d’élèves, et présentant un taux étonnant d’élèves ne parlant pas le français à la maison.

Il ne s’agit pas de rejeter en bloc des tests qui sont de qualité, mais d’exploiter toutes les données récoltées.

Les commentaires développés dans la presse n’ont pas cette rigueur.

Et ce battage médiatique permet de justifier des décisions qui n’ont pas les priorités qu’elles annoncent :

il s’agit bien de baisser le coût de l’éducation.

Mais espère-t-on vraiment améliorer la qualité de l’école :

  • en supprimant la formation professionnelle des maîtres,
  • en réduisant le nombre d’heures de cours
  • en alourdissant la durée des journées pour les élèves en difficulté,
  • en supprimant les RASED ?

Cela ressemble bien à de la désinformation, et de l’imposture.

Références :

- Déclaration de Mme Sprenger-Charolles, chercheuse au CNRS, à propos des évaluations internationales au café pédagogique :

- Exposé en MP3 de Mme Sprenger Charolles en formation de formateurs en 2007/2008. La première partie commente les résultats de PIRLS et PISA.

- Article de Mr Ouzoulias au café pédagogique : Les déclinologues mentent.

- Diaporama accompagnant cet exposé (accessible avec Mozilla firefox)

- Documents édités par l’IEA, qui a organisé les évaluations PIRLS 2006

1 commentaire:

moka63 a dit…

L'article publié provient du site :

Quelle école pour demain :
http://4tous.net/ecoledemain/

Les liens du sommaire y conduisent, mais il me semble utile de le préciser clairement en intro, voire à y renvoyer les lecteurs...

Cordialement,

moka3461